Adèle Isaac
Une naissance à Calais
Adèle Victorine Isaac voit le jour le 8 janvier 1854 au 57 de la Rue Royale à Calais. Ses parents, Victorine Saladin et Armand Constant, habitent Paris où le père exerce la fonction de dessinateur. Si la présence d'Adèle dans la ville est anecdotique, sa famille maternelle est cependant de souche calaisienne. Son frère, Maurice, naît rue Saint-Maur à Paris en 1856.
Très tôt, Adèle présente des dispositions musicales. Alors qu'elle est âgée de 14 ans, son père décide de l'inscrire à l'école Duprez.
Elle n'oublie pas la ville qui l'a vue naître et en 1873, alors débutante, elle y chante dans Le Pré-aux-Clercs et Les Noces de Jeannette.
Mlle Adèle Isaac, dont nous avons annoncé l'engagement à l'Opéra-Comique, vient de chanter au théâtre de Calais Le Pré-aux-Clercs et les Noces de Jeannette. Rien n'a manqué au succès de la jeune cantatrice dans ces deux pièces : applaudissements, bouquets et rappels. Elle a été parfaitement secondée par Mlle Verken, comme elle ancienne élève de Duprez.
Source La Liberté du 5 juin 1873 - Gallica
Elle revient à Calais en 1883, au sommet de sa gloire, lors d'un concert de bienfaisance donné pour l'ouverture de l'Hippodrome-Théâtre de Saint-Pierre-lès-Calais 1.
"Plus de quinze cents personnes assistaient à cette brillante représentation qui fut pour la cantatrice, autant que pour l'impresario, un véritable triomphe.
Il nous serait difficile de dépeindre fidèlement l'enthousiasme de l'auditoire quand Mlle Isaac fit son apparition sur notre nouvelle scène. Nous pourrions, - nous servant d'un cliché qui, cette fois au moins, aurait le mérite de rendre hommage à la vérité, - dire que pendant un instant nous avons craint de voir la salle s'écrouler sous les applaudissements frénétiques de l'auditoire.
Nos lecteurs comprendront que nous n'ayons pas la prétention ici d'analyser le talent de la célèbre cantatrice. Nous nous bornerons à constater qu'on ne peut, plus facilement qu'elle le fait, se jouer des difficultés nombreuses que Verdi, Gounod et Offenbach se sont plu à semer dans leur partition de la Traviata, Roméo et Juliette et les contes d'Hoffmann."
Gilbert Duprez, son professeur
Gilbert Duprez est un ténor qui après un début de carrière plus que modeste en France, décide de gagner l'Italie. En 1831, il y fait sensation lors d'une représentation de Guillaume Tell, en produisant un contre-ut de poitrine et vole de succès en succès. Sa notoriété lui permet alors d'être engagé comme premier ténor à l'Opéra de Paris.
Le public parisien toujours adepte de la nouveauté est enthousiaste. Les dix années qui suivent confortent le succès de Duprez mais il sera moins heureux en faisant représenter plusieurs opéras qui décidément ne trouvent pas leur public.
En 1849, la détérioration de sa voix l'oblige à se retirer de la scène. L'année suivante, il quitte le Conservatoire de Paris où il était professeur depuis 1842 et fonde sa propre école de chant. Il écrit plusieurs ouvrages dont L'Art du chant, Souvenirs d'un chanteur et Récréations de mon grand âge.
Une carrière à l'Opéra-Comique
Dans un entrefilet du 17 avril 1878, le Mémorial Artésien annonce qu'une jeune cantatrice native de Calais, Mlle Adèle Isaac, vient de contracter un engagement avec M. Carvalho, directeur de l'Opéra-Comique. Opéra-Comique qu'elle quittera brièvement entre 1883 et 1885 pour l'Opéra où elle débute en chantant le rôle d'Ophélie dans Hamlet d'Ambroise Thomas.
Mais c'est en 1870, qu'elle se produit pour la première fois. Dotée d'une voix de soprano colorature, elle débute au théâtre Montmartre dans les Noces de Jeannette de Victor Massé, lors d'une représentation patriotique.
En 1872, elle est engagée par M.Avrillon, le directeur du Théâtre de la Monnaie à Bruxelles et chante dans Le Pré-aux-clercs d'Hérold et Tannhäuser de Wagner. L'année 1773 voit son arrivée à l'Opéra-Comique dans le rôle de Marie dans La Fille du régiment de Donizetti mais son contrat n'est pas renouvelé.
Elle regagne alors la Belgique et se produit à Liège. Elle y sera la Marguerite de Faust, Ophélie dans Hamlet, Gilda dans Rigoletto ou encore Juliette dans Roméo et Juliette de Gounod. Puis, en 1876, direction Lyon pour deux saisons. On peut voir grâce à cet extrait du recensement que c'est toute la famille qui déménage y compris Maurice, le frère, artiste lui-aussi.
Nom | Prénom | Profession | Statut | Âge | Département de naissance |
---|---|---|---|---|---|
Isaac | Armand | Sans profession | Marié | 50 ans | Nord |
Saladin | Victorine | Sa femme | Marié | 44 ans | Pas-de-Calais |
Isaac | Adèle | Artiste | Célibataire | 23 ans | Pas-de-Calais |
Isaac | Maurice | Artiste | Célibataire | 20 ans | Seine |
Auréolée de ses succès et de son expérience, elle est rappelée à l'Opéra-Comique où, hormis la période 1883-1885, elle fera l'essentiel de sa carrière. Elle s'y distingue entre autres en créant en 1881 le quadruple rôle d'Olympia/Antonia/Giulietta/Stella dans Les Contes d'Hoffmann de Jacques Offenbach. Elle est Suzanne dans la reprise des Noces de Figaro en 1882 et en 1886, Claire dans Egmont en 1886. En 1887, elle est Minka dans Le Roi malgré lui d'Emmanuel Chabrier.
Le retrait de la vie publique
On lit peu de choses sur la vie privée d'Adèle Isaac hormis l'annonce de son mariage avec Auguste Charles Lelong le 25 novembre 1887. Mariage auquel sont témoins Ambroise Thomas et Gilbert Duprez. Elle assure ses engagements au Casino de Monte Carlo durant la saison d'hiver 1887-1888 où se joue le Barbier de Séville. Puis les journalistes spécialisés commentent et regrettent son absence sur scène.
Mais rappelons qu'en mai 1887, alors qu’on joue Mignon d’Ambroise Thomas, un incendie meurtrier a détruit l’Opéra-Comique de Paris. Le 8 juin , en soutien, Adèle Isaac et Louis Delaquerrière chantent le duo du Roi malgré lui et reversent la recette au bénéfice des victimes. Carvalho qui est tenu pour responsable par négligence est condamné (mais il gagnera en appel). Les spectacles de l'Opéra-Comique ne reprennent qu'en octobre dans l'ancien Théâtre-Lyrique, place du Châtelet.
Aux problèmes engendrés par l'incendie, s'ajoutent probablement les effets de la maternité et des deuils successifs que connaîtront le couple :
en 1889, Adèle donne naissance à son premier enfant, un petit garçon mort-né.
1890 voit la naissance de Maurice qui décède à l'âge de 13 ans en 1904.
Jeanne voit le jour en 1891 et décèdera en 1993.
En 1892, viennent au monde des jumelles mort-nées.
Puis en 1897, c'est la naissance de Suzanne qui décède à l'âge de 29 ans.
Adèle continue malgré tout à chanter et participe par la suite à différents galas, fêtes de bienfaisance ou concerts divers comme :
- en 1892, où on la voit chanter Suzanne dans la reprise des Noces de Figaro,
- 1993, où elle participe au concert donné par Mme Gabrielle Ferrari,
- 1902, à nouveau au concert annuel de Mme Ferrari,
- 1907, et sa participation à la Fête de la Chanson française donnée au Trocadéro,
- 1908, on la retrouve à la matinée de gala du conservatoire de musique.
Sa mort en octobre 1915 passe presque inaperçue, éclipsée par le premier conflit mondial. Mais peut-être est-ce le lot des artistes lyriques de partir en silence à cette époque? En 1889, un autre calaisien de naissance, le chanteur d'opéra Felice Varesi 3 était mort à Milan dans le plus profond oubli.
Françoise Dubois
Le saviez-vous?
Rodin est le second lien qui rattache Adèle Isaac à Calais. Comme les bourgeois, et avant-eux même, elle a eu les honneurs du Maître qui a sculpté son buste la représentant en Manon Lescaut.
Notes et références
- 1 Situé Rue de la Pomme d'Or et devenu un cinéma en 1903, "Le Théâtre des Arts" - Source Archives municipales de Calais
- 2 Site de la mairie de Valmondois
- 3 Felice Varesi - AD62
- Gilbert Duprez, notes et souvenirs - Le Menestrel 1896, Arthur Pougin
- Les Contes d'Hoffman - Michael Kaye et Jean-Christophe Keck
- Archives/org - Quelques distributions des "Noces de Figaro" en France
Termes et conditions
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