mais autrement?
Vue de Calais prise du chenal, Francia (1837)

Un peintre calaisien méconnu

François Louis Thomas FRANCIA a vécu près de quarante ans à Calais. Né dans notre ville en 1772, il y est mort à son domicile rue de la Poissonnerie, le 6 février 1839. Et pourtant, peu de calaisiens le connaissent ou connaissent ses œuvres. La plupart n'ont même jamais entendu prononcer son nom.

Orphelin de mère très tôt, Louis perd son père alors qu'il a 15 ans. Après avoir suivi des études à l'Académie de dessin de Calais, il décide en 1789 de quitter notre pays pour Londres. Pour subsister, il donne des cours de dessin. Très vite, il acquiert une certaine notoriété gràce aux aquarelles qu'il réalise lors de son temps libre, ce qui lui permet d'intégrer le cercle de nombreux artistes réputés.

La qualité de son travail lui vaut d'être admis au sein de la Société des Aquarellistes de Londres et d'être nommé peintre du duc d’York, frère du roi régnant. En 1800, il épouse la peintre Maria Child dont il aura un fils, Alexandre, né en 1813.

En 1817, lors de l’ouverture du consulat britannique à Calais, il y fait son retour comme secrétaire. Parallèlement, ses talents et son influence seront à l'origine de l'éclosion d'autres talents comme ceux de William Wyld, Richard Parkes Bonington, Jules Collignon ou encore de son fils Alexandre.

il participe à la vie culturelle et devient membre de plusieurs associations :

  • la société des antiquaires de la morinie,
  • la société d'agriculture, commerce, science et arts de calais,
  • le conseil d’administration du musée de Calais,
  • la société humaine de Calais.

A ces talents de peintre, il ajoute ceux de journaliste occasionnel pour le Journal de Calais à partir de 1826, puis pour l'Indicateur de Calais et l'Industriel Calaisien à partir de 1830. Et les petits articles parfois surprenants qu'il écrit corroborent le portrait dressé Par Ernest le beau.

Quelques articles de Francia dans l'Indicateur de Calais (1831)

Calais, le 31 janvier 1831.

Il existe une insouciance pour le bien public, pour le droit de chacun qui est plus qu'affligeante, puisqu'elle est nuisible et dangereuse pour nous tous, et que deux militaires en souffrent dans ce moment la conséquence.

Bien que nous nous réjouissions que (grâces aux soins de MM. les chirurgiens), nous pouvons espérer que celui qui s'est cassé la cuisse d'une manière aussi terrible, ne perdra ni la vie, ni sa cuisse, il n'en est pas moins vrai qu'il n'en perdra pas les souffrances, ni le service, la chance de perdre un bon soldat. Dans lequel cas, supposant cet homme un remplaçant, le remplacé aurait peut-être à en trouver un autre, mais ne considérant que la question morale : de quel droit, marchands de toute espèce, encore aujourd'hui s'emparent-ils du trottoir et de la voie publique, soit par des boutiques ambulantes, des toiles pour le soleil, des brouettes et des futailles, en dépit du bon sens, du bon droit, de la sûreté et de la libre circulation des personnes? Je demande donc directement aux autorités compétentes de quel droit? Est-ce parce qu'un abus a été ignoré ou toléré jusqu'à présent, qu'il doit continuer? J'ai trop de respect pour leur bon sens et leurs bonnes intentions pour le croire; ainsi espérons.

Un abus dangereux que je signalerai surtout, et qui certainement n'a jamais été dans l'intention des personnes qui sont en contravention, est celui des trottoirs qui, cessant tout-à-coup, occasionnent, non seulement un faux pas dangereux aux personnes qui ont eu des membres fracturés, mais offrant une surface de trois ou quatre pouces d'élévation comme un mur qui continuellement, occasionne des chutes terribles. Je pourrais signaler les réclamations de personnes de toutes les classes, mais mon objet n'est pas de porter plainte contre qui que ce soit; mon seul but est d'être utile à tous, et de faire respecter le droit public.

L. FRANCIA.

Calais le 2 juillet 1831,

Monsieur l'Éditeur,
je crois rendre service à tous ceux, à qui il appartiendra en annonçant à nos concitoyens le séjour dans nos murs d'un artiste de beaucoup de mérite, et dont le genre ne saurait nuire à aucun de nos professeurs. M. Wahast, Français, élève de l'école de Rome, peint le portrait à l'huile de toutes grandeurs et à des prix très-modérés; mais ce qui est plus essentiel c'est la ressemblance frappante de ses portraits, qui ont en outre le mérite d'être bien modelés, ou si l'on veut, bien dessinés, bien coloriés et bien composés. Plusieurs familles marquantes de notre ville, qui aiment les arts, se proposent de lui demander plusieurs portraits, et des preuves convainquantes de son talent peuvent se voir chez moi tous les jours, et ne peuvent que lui procurer l'encouragement qu'il mérite sous tous les rapports. Je saisis l'occasion de lui témoigner le plaisir que me fait éprouver sen talent et son amitié et surtout celui que j'éprouve à être utile à un homme d'un véritable mérite.

L. FRANCIA.
358, Rue de la Mer.

Calais le l5 novembre I831,

AU MIRACLE!

M. l'Éditeur,
Dans la quinzaine qui vient de s'écouler, on dit qu'il vient de s'opérer un miracle à Pihen, sur lequel j'ai recueilli les faits suivans sur les lieux.

 

Le fait est, que pendant que des ouvriers réparaient le mur d'enceinte du cimetière, ils entendirent à deux reprises la cloche de l'église sonner, quoique la messe du jour eût été dite, au grand étonnement du curé, du magister et des ouvriers, qui quittèrent, l'un son bréviaire, l'autre ses écolier et les autres leur ouvrage, pour savoir ce qui pouvait, sa raison connue, occasionner cet appel extraordinaire fait à la dévotion des fidèles.

Arrivés à l'église, on trouva tous les objets nécessaires à la célébration d'une messe, préparés sur l'autel, le tout par une main invisible; donc, il y a miracle

Il faut bien croire au fait; mais au miracle, croira qui voudra. Ce que l'on aura peine à croire, c'est qu'il ne manque pas de braves gens à Pihen qui s'imaginent bonnement que c'est le revenant de leur brave et défunt curé, qui avait encore un messe à dire. Autre miracle!

De plus fortes têtes pensent que le curé, scandalisé par certaines rencontres galantes qui ont eu lieu dans le cimetière, pourrait bien avoir trouvé le moyen d'effrayer ses galans paroissiens. Je n'en crois rien, car ce n'est pas des revenans que les amoureux ont peur; j'aime mieux croire au miracle, parce que de nos jours c'est plus miraculeux.

L. FRANCIA.

Ernest Le Beau dans sa notice écrite en 18411 nous le dépeint au "point de vue physique et moral", mais que savons nous réellement de Louis Francia et de sa famille?

Les origines des Francia.

Des origines familiales de Louis Francia, l'histoire locale n'aura retenu que le nom de son père, Louis Charles Francia, directeur de l'hôpital militaire de Calais. Et pourtant son grand-père paternel, Georges Girard, a lui aussi habité Calais. Il y est décédé en 1743.
Interprète de langues étrangères et marchand dans notre ville, sa filiation a été établie par Vincent Lécuyer, généalogiste passionné. Elle a été confirmée par les transcriptions des plumitifs réalisées par Nicolas Monsigny adhérent des AVC :

le 13/01/1718 : réception de George Girard Francia  marchand en cette ville "natif de Valesville annexe de Gaure diocèse de Toulouse", fils de François FRANCIA marchand de Bordeaux et de Catherine DALARD ses père et mère, présenté par honorable homme Mr PIGAULT ancien vice-mayeur et juge-consul de cette ville, après qu'il a juré en la présence du syndicq d'observer les ordres desquelles lecture lui a été faite à la charge de payer dix livres aux mains du receveur de la Chambre des Pauvres a quoi avons modéré le droit revenant à ladite Chambre pour cette fois seulement faute tirer à conséquence pour l'avenir, de fournir un seau de cuir qui sera déposé en cet hôtel et des frais et droits ordinaires.

Source Archives municipales de Calais

Une recherche semée d'embûches

Les membres de la famille Francia ont entretenu des liens étroits avec l'Angleterre. Certains y ont vécu, exercé leur métier, s'y sont mariés, y ont eu des enfants. Retrouver des ascendants et des actes à cette époque en Angleterre n'est pas une tâche facile. Comment faire alors? Vincent Lécuyer, lors de son travail de limier, a pu y retrouver la trace de François Louis FRANCIA (Francis Lewis en Angleterre), le père de Georges. Ce dernier, nous dit-il, fut rendu célèbre au début du XVIIIème siècle par son procès pour haute trahison supposée (il a été acquitté), au moment des rébellions jacobites au Royaume-Uni .

Vincent Lécuyer a mis en ligne le résultat de ses recherches. Il alimente d'autre part sur le forum de GenNPdC une rubrique sur les calaisiens s'étant distingués d'une manière ou d'une autre.

L'œuvre de Louis Francia

S'il a peint quelques scènes de la vie rurale ou citadine,  on connaît  plutôt de Louis Francia ses aquarelles marines. Des scènes côtières, de tempête ou encore de naufrage, qu'il affectionne particulièrement. Appréciée par les musées et les amateurs d'art Britanniques, son œuvre est peu connue en France. Et peut-être même en son temps à Calais. En témoigne le courrier qu'il adresse le 20 novembre 1826, à l'éditeur du journal "Le Petit Calaisien". Il vient de remporter une médaille d'argent à Cambrai, pour un tableau commandé par la ville de Dunkerque. À l'éditeur qui en a fait l'éloge dans son journal, il écrit ceci après l'avoir remercié :

Il vous sera sans doute agréable, M. l'Editeur, d'apprendre que je suis appelé par les magistrats de Dunkerque, à faire un autre tableau pour la maison de ville, et, pour un habitant de cette ville, qui est calaisien, une suite des batailles de Jean Bart.
Quand serons-nous appelés à représenter le héros Calaisien?

En novembre 1988, le musée des Beaux-Arts de Calais  organise la première rétrospective Louis Francia. 

Annonce de la rétrospective dans le journal  Lundi Dernière

Françoise Dubois

 

Notes et références


 

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