mais autrement?
Paysage enneigé, un paysan frigorifié garde une vache.
Toile anonyme du 18 ème siècle sur l'hiver 1709

Des hivers rigoureux en Pas-de-Calais

« Y a plus de saison! » Qui n'a jamais entendu cette reflexion au sujet des hivers jugés trop doux ?

Et pourtant, depuis des siècles notre région a connu des épisodes pour le moins rigoureux, en témoignent les documents qui suivent.
D'autres ont marqué aussi nos mémoires comme les années "banquises" sur la plage de Malo entre 1928 et 1997 ou encore l'hiver 1984/1985 avec ses congères, sa neige et une longue période de gel à -24°C.

 

Une vidéo sur les hivers 1967 et 1979

Voix off :
On est en 1960 et déjà les journalistes du Nord Pas de Calais et de Picardie font des éditions spéciales "grand froid" avec les moyens du bord.

Le journaliste :
Nos camarades qui seront tout à l'heure en plateau me prient de les excuser car s'ils sont un peu en tenue négligée, c'est qu'ils rentrent à l'heure actuelle de ces reportages pour vous présenter ce soir l'émission spéciale top diapo, l'édition spéciale : le froid.

Voix off :
Car l'hiver 2008 2009 est loin d'être le plus rude qu'on ait connu dans le nord de la France. 1954, 1956, mais aussi 1963, sont des années de frimas et de températures glaciales.

Le journaliste :
Une de nos équipes a pu à grand peine d'ailleurs, atteindre bapaume afin de nous rapporter des images relatives au trafic sur l'autoroute A1 Paris/Lille.

Voix off :
Le thermomètre est même descendu jusqu'à moins 5 degrés à saint quentin en 1979. La Somme et les autres fleuves du Nord, du Pas-de-Calais et de la picardie sont gelés au grand dam des bateliers.

Un batelier :
si le temps dure au doux comme ça environ une semaine encore, et ensuite on arrivera peut-être à repartir.

le journaliste :
vous n'êtes pas trop gêné actuellement, qu'est ce que vous faites toute la journée?

le batelier :
Bin c'est à dire on s'occupe et puis vous savez on a toujours du travail à faire.

Voix off :
De la grogne aussi du côté des automobilistes, les premiers à souffrir à chaque chute de neige ou de verglas, avec les journalistes bien sûr.

Un journaliste Oui, très tôt ce matin, nous avons essayé de gagner l'autoroute par la nationale Amiens Roye, mais 10 km avant Amiens nous devions déchanter. Il y avait beaucoup de neige du verglas et des congères. Notre voiture chaussée de pneus à clous devait bientôt renoncer.

Voix off :
D'année en année et du noir et blanc à la couleur, les mêmes images impressionnantes de congères et de bouchons.
l'économie est paralysée, les récoltes sont perdues à cause du gel et beaucoup ne peuvent plus aller travailler en voiture dont les batteries ne résistent pas au froid.
Dans les maisons, les pannes d'électricité sont légion mais la vie continue. Alors ces hivers là sont aussi de véritables concours d'invention et de systèmes D. Patins à glace sur les lacs et les rivières figés, raccourcis improvisés à travers champs, ravitaillement et transferts de malades en hélicoptère ou encore ski de fond sur les routes transformées en piste, avec plus ou moins de bonheur.

 

Recueil de données statistiques climatiques

Dans son mémorial de la météorologie nationale relatif à la climatologie de la France 1945), Joseph Sanson nous livre pour la région les détails suivants :

  • 763-764. Hiver très rigoureux au cours duquel la mer fut gelée sur nos côtes. Dans l'intérieur de la Gaule, des froids extraordinaires furent signalés du début d'octobre 763 à la fin de février 764. En certaines contrées de notre pays, il serait tombé, au dire des historiens, jusqu'à 10 m de neige.
  • 1114-1115. Hiver terrible en Bretagne de même qu'en Angleterre. "La mer gela dans la Manche à quelque distance des côtes, et les pierres les plus grosses se fendirent avec éclat."
  • 1149-1150. Hiver très rigoureux dans le Nord de la France, où, sur les côtes, les eaux de la mer étaient gelées jusqu'à trois milles du rivage. Dura du début de décembre jusqu'à la fin de février.
  • 1204-1205. En Bretagne et dans le Nord-ouest de la France, "grand hiver de la mi-janvier à la mi-mars."
  • 1324-1325. Hiver très rigoureux dans le Nord de la France. La Seine gela deux fois, et au cours de la débâcle, les ponts de bois de Paris furent emportés.
  • 1422-1423. Froids excessifs en Hollande et dans le Nord de la France. La Seine fut prise en janvier. "Il faisait si froid que personne ne pouvait travailler, mais seulement sauter, courir, jouer à la pelote ou autres jeux pour s'échauffer. Les coqs et gelines avaient les crêtes gelées jusqu'à la tête." Ces fortes gelées accompagnées de neiges durèrent jusqu'au 25 mars.
  • 1434-1435. Hiver très long, appelé en Angleterre la grande gelée car il s'y prolongea du 24 novembre au 10 février : "Dans le Nord, il neigea près de 40 jours consécutifs, la nuit comme le jour". De nombreux lacs et fleuves furent gelés. "L'eau qui écoulait des linges mouillés placés devant le feu pour sécher gelait en tombant."
  • 1513-1514. On compta dans le Nord et l'Est 12 semaines de fortes gelées. Le Rhin et le lac de Zurich furent pris en totalité et pendant 11 jours, on put les traverser facilement.
  • 1543-1544. Dans le Nord du pays, le froid fut si vif en décembre et au début de janvier qu'il fallait couper le vin dans les muids à coup de hache et le vendre au poids.
  • 1552-1553. L'hiver fut dur dans le Nord et l'Est. Lors du siège de Metz par Charles Quint, on fut obligé de couper les jambes à de nombreux soldats transis par le froid.
  • 1620-1621. Hiver très long, avec gelées particulièrement rudes de la fin de janvier à la fin de février. En ce dernier mois, la mer fut par les glaces à Dunkerque. Le port de Calais fut gelé, de même que l'Escaut. 
  • 05 avril 1669. Cinq pauvres femmes du Courgain de Calais, verotières, surprises par la neige le long de la mer, meurent de froid.
    ( Éphémérides du Calaisis. Le Patriote )
  • 1683-1684. Des froids rigoureux se firent sentir, surtout au mois de janvier 1684. Le long des côtes de l'Angleterre, de Hollande et de France, la mer fut gelée sur une étendue de plusieurs milles au point que, pendant plusieurs semaines, aucun bateau ne put sortir des ports ou y rentrer.
  • 1709. Le terrible hiver 1709 toucha le continent de l'Italie à la Scandinavie, et de l'Angleterre à la Russie durant environ 3 mois, il eut de très lourdes conséquences

représentation des fléaux de l'année 1709

"L’anno terribile 1709” de Guiseppe Maria Mitelli (1634-1718)

« Tous les fleuves de l'Europe furent gelés, même les bords de mer, à Marseille et à Cette, et les côtes de la Manche et la Baltique ; et les lacs de Constance et de Zurich portèrent des charrettes.
Dans les maisons, on ne pouvait dormir. À Paris, l'Opéra et la Comédie cessèrent ; le commerce et les travaux furent interrompus ; le Parlement dut arrêter ses séances.
On coupait le pain à coups de hache. La gelée brisait les pierres, fendait les chênes et les noyers jusqu'aux racines. Oliviers, orangers, figuiers, grenadiers, châtaigniers, mouraient, tout périssait dans les jardins et les vergers.
Plusieurs espèces d'oiseaux et d'insectes disparurent. »
  • 1775-1776. Très rude dans le Nord, cette saison ne présenta par contre aucune anomalie remarquable dans le Centre et le Midi.
  • 1783-1784. C'est surtout dans le Nord de la France que cet hiver fit sentir ses rigueurs depuis le début de novembre jusqu'en avril, et la neige y tomba avec une telle abondance entre le 26 décembre et le 17 février que la circulation fut fréquemment interrompue.
  • 1788-1789. La masse des glaces intercepta les communications entre Calais et Douvres et les navires se trouvèrent bloqués dans les ports de la Manche : on traversait à pied et à cheval le port d'Ostende.

Françoise Dubois

 

Pour aller plus loin :


 

Afficher le formulaire de commentaire